Dans les années 90-2000, 40% des causes de l’arthrose de hanche (coxarthrose) étaient inconnues. La prévalence en France, entre 40 à 75 ans, était de 2 à 5%.
Il n’existait aucun moyen préventif permettant d’éviter une destruction de l’articulation conduisant à une prothèse totale de hanche inexorable (150 000 poses par an en France depuis les années 2010).
On parlait de coxarthrose primitive…, les 60% restant étant constitué de coxarthroses secondaires à une malformation préexistante de l’articulation (soit d’origine constitutionnelle comme pour les dysplasies, soit d’origine acquise au cours de la vie par sollicitation mécanique excessive). Heureusement, dans ces situations il existe depuis 50 ans des traitements variés et efficaces permettant de retarder l’apparition de la coxarthrose.
Encore faut-il que le dépistage de ces anomalies soit fait précocement et le traitement entrepris avant l’apparition de la destruction.
Mais cette vision des choses est essentiellement statique et une autre approche dynamique a été initiée à partir des années 1980 par le Docteur Ganz de Berne (Suisse) qui a également montré que des hanches non-arthrosiques pouvaient être douloureuses par conflit entre la partie du bassin de l’articulation (cotyle) et la partie du fémur (tête ou col fémoral).
Aujourd’hui les causes de coxarthrose ne sont maintenant inconnues que dans 10% des cas et cette nouvelle approche a engendré depuis les années 2000 des progrès spectaculaires pour trois raisons :
de nouvelles pathologies ont été découvertes grâce à cette vision dynamique mettant en jeu l’os, le cartilage, le bourrelet cotyloïdien et les parties molles adjacentes
la compréhension de la destruction possible de la hanche s’est amélioré avec des traitements préventifs possibles comme l’arthrolyse de hanche dont les gestes sont variés.
de nouvelles techniques chirurgicales ont vu le jour (au départ conventionnelles puis mini-invasives et arthroscopiques).
Les résultats ne sont pas encore connus à long terme, la compréhension est encore nouvelle, mais dans nombre de cas si les indications sont bien choisies, la prothèse n’est plus inexorable ou est retardée…
Rappel anatomique :
La hanche correspond à l’articulation entre le bassin et le fémur, particulièrement emboîtée. Il s’agit d’une articulation profonde composée, d’une part, de l’extrémité du fémur avec un col fémoral et une tête qui s’emboîte dans la partie du bassin dénommé cotyle.
Quasiment entre les deux se situe le bourrelet qui, comme le ménisque du genou, joue un rôle d’amortisseur entre le cartilage de la tête fémorale et du fémur.
Comme dans toute articulation, les surfaces articulaires sont recouvertes de cartilage qui, s’il s’use, conduit à l’arthrose (ou coxarthrose ici).
S’il y a des sollicitations mécaniques excessives (vice architectural ou une maladie primitive du cartilage, voire un conflit) des lésions vont apparaître conduisant à la destruction de l’articulation.
Définition :
Le conflit antérieur de hanche (CFA) est défini par l’existence d’un contact anormal et prématuré entre le cotyle et le fémur (tête ou col du fémur). C’est le cas :
En l’absence d’anomalie anatomique lors de la pratique de certains sports avec des mouvements extrêmes comme l’athlétisme, les sports de combat, les arts martiaux, la danse, le hockey sur glace mais aussi dans l’exercice certains métiers confinés et difficiles (exemple : mécanicien d’avion).
En présence de facteurs anatomiques favorisants qui peuvent être considérés comme des malformations (sans qu’il ne se passe de mouvements extrêmes). Il en existe deux grands types mais en fait dans la plupart des cas, ces anomalies sont variées et réunies :
*L’effet came correspond à une protubérance (ou bump) présente sur le col fémoral ou à la perte de sphéricité de la tête du fémur. Cette bosse rentre en conflit avec la partie haute du cotyle et du bourrelet et va occasionner progressivement des lésions du cartilage.
*L’effet pince est lui secondaire à un rebord du cotyle trop couvrant expliquant un contact prématuré avec la tête du fémur, ce qui entraîne des lésions postérieures du cartilage sur la tête fémorale.
Causes :
Plusieurs atteintes de la hanche (constitutionnelles ou acquises) peuvent être à l’origine d’un CFA : Effet came : ostéochondrite, epiphysiolyse
Effet pince : rétroversion acétabulaire (cotyle orientée en arrière), coxa profonda (cotyle trop profond)
Symptômes :
Les douleurs sont antérieures, confondues avec une pubalgie ou une tendinite chez le sportif.
Elles sont le plus souvent réveillées en Adduction/Flexion/Rotation interne (effet came). Parfois une position antalgique est retrouvée comme l’endormissement avec un coussin sous le genou (effet pince). Progressivement, les douleurs ne surviennent plus qu’à l’effort et font diminuer l’activité sportive.
Examens complémentaires :
Les radiographies simples peuvent suffire en cas de malformation évidente. Elles peuvent être optimisées par des incidences particulières qui vont montrer le conflit (Dunn). Sinon il faut s’aider d’une IRM, d’un scanner voire d’une échographie (analyse dynamique) pour mettre en évidence des lésions du bourrelet et/ou du cartilage, des kystes, des corps étrangers…
Traitement :
Il s’agit de la première cause de douleurs de hanche avant 40 ans et la première cause d’arthrose de hanche précoce.
Le traitement du conflit fémoro-acétabulaire peut dans un premier temps rester médical si la douleur s’estompe avec un traitement antalgique adapté, d’éventuelles infiltrations radio-guidées et surtout la modification de l’activité responsable du conflit. Il peut être suffisant dans les cas de conflit modéré, qu’il y ait arthrose ou non. Si l’usure est importante il sera insuffisant et devra faire recourir à la mise en place d’une prothèse de hanche.
Le traitement chirurgical a beaucoup évolué ces trente dernières années. Le but est de lever le conflit avant l’installation de l’usure et la nécessité de la mise en place d’une prothèse. L’intervention proposée est une arthrolyse de hanche consistant en une correction des déformations du col fémoral et/ou de la malformation du cotyle à l’origine du conflit.
Historiquement elle nécessitait une chirurgie lourde avec un abord postérieur conventionnel (large cicatrice postérieure) permettant l’exposition de l’articulation et la levée du conflit par des gestes variables.
Le Docteur Ganz a prouvé que l’on pouvait espérer de bons résultats mais il faut reconnaitre que cette chirurgie était très spécialisée et difficilement reproductible, sans compter les suites souvent lourdes. Depuis une quinzaine d’années, la chirurgie des conflits a été révolutionnée par l’apparition des techniques mini-invasives comprenant, soit un mini-abord antérieur, soit un abord purement arthroscopique recourant donc à une chirurgie vidéo-assistée sans quasiment de cicatrice. Après abord de l’articulation et la création d’un espace de travail qui reste plus confiné que dans le genou, divers auteurs ont décrit des techniques permettant cette arthrolyse de hanche et donc la levée des conflits par des gestes osseux sur le col fémoral ou le cotyle, voire même la réinsertion du bourrelet.
Il s’agit d’une chirurgie dont les indications restent limitées, réservée aux sujets jeunes (moins de 50 ans) avant l’apparition d’une véritable coxarthrose.
Les suites sont, la plupart du temps, simples avec une reprise assez rapide des activités, de la marche et de la conduite automobile mais des complications spécifiques existent comme les troubles de sensibilité de la face antérieure ou latérale de cuisse, l’atteinte des nerfs du périné compte tenu de l’utilisation d’une traction et les risques de fracture en cas de résection osseuse trop importante.
Ces complications restent rares néanmoins.
Il s’agit d’une chirurgie dont les indications restent limitées, réservée aux sujets jeunes (moins de 50 ans) avant l’apparition d’une véritable coxarthrose.
Les résultats de ces nouvelles méthodes chirurgicales sont bons avec plus de 90% d’amélioration de la fonction, la disparition des douleurs et la reprise possible des activités sportives et/ou professionnelles à l’origine du conflit.
Conclusion :
De grands progrès ont été réalisés concernant l’étiologie de la destruction articulaire de la hanche et à l’heure actuelle il n’existe que 10% de causes inconnues.
Dans 30% des cas, cette destruction progressive est liée à l’existence d’un conflit fémoro-acétabulaire dont les causes sont variables.
Les connaissances nouvelles ainsi que l’imagerie permettent de dépister les patients présentant des signes de conflit mais leurs résultats restent une aide à la prise de décision sans être l’argument principal car il existe une fréquence de ces anomalies dans une population saine ne présentant aucune douleur.
L’arthrolyse de hanche et le développement de techniques chirurgicales conservatrices mini-invasives permet à l’heure actuelle de lever ce conflit avec des suites favorables et donc de reculer l’heure de la prothèse.
Au total le diagnostic, et donc le traitement, repose sur un faisceau d’arguments ainsi que sur des indications raisonnées et une technique irréprochable. C’est le prix à payer pour améliorer les patients et surtout éviter l’évolution vers une arthrose nécessitant le recours à une prothèse à un âge souvent jeune.
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