Depuis les années 60 et l’essor de la chirurgie orthopédique comme discipline chirurgicale à part entière, les avancées ont été remarquables : prothèses articulaires, techniques d’ostéosynthèse, matériaux d’immobilisation, banque de tissus de substitution, génie génétique et facteurs de croissance reconstitués, fibres optiques et informatisation ont modifié le quotidien du chirurgien orthopédiste.
Les performances des biomatériaux et de l’ingénierie médicale mais aussi les progrès des techniques chirurgicales se traduisent en effet par de nombreuses innovations :
Les optiques, par exemple, sont à l’origine du développement de l’arthroscopie permettant de traiter de façon peu invasive des articulations jusque-là peu accessibles (ex : les ménisques du genou, la réparation des ligaments croisés, la réparation des tendons de l’épaule etc…)
Les revêtements et la finition des implants articulaires (prothèses) n’ont plus rien à voir avec ceux d’il y a 20 ans. Ces progrès augmentent leur durabilité et leur tolérance.
Les techniques chirurgicales par « mini-abord », développées depuis maintenant dix ans, offrent l’avantage de réduire le traumatisme opératoire et donc la durée de l’hospitalisation et de la convalescence.
Le développement des techniques de « navigation », c’est-à-dire le contrôle de l’implantation des prothèses articulaires par un « ordinateur », permettent d’espérer des poses sans défaut et des durées de survie d’implants plus prolongées.
Les progrès de la planification préopératoire qui est passée du 2D au 3D à partir d’une IRM ou d’un scanner fait avant l’intervention : cela permet d’optimiser la pose des implants en optimisant la longueur et l’Offset (prothèse de hanche), ou le volume de la prothèse (genou).
Les nouveautés des ancillaires (instruments permettant de guider la pose d’une prothèse), en particulier la réalisation préopératoire à partir d’un scanner ou d’une IRM de guides de coupe spécifiques au patient (PSI) qui permettent de guider le geste de coupe osseuse de manière optimum afin de poser les implants à l’endroit exact.
Autre avancée assez extraordinaire, le développement d’implants « sur mesure », permettant de s’adapter à un cas très particulier ou à une anatomie différente de la normale, pour ne pas avoir à faire de compromis et optimiser la fonction. Historiquement possible pour la Hanche depuis 30 ans, possible pour le genou depuis peu…
L’évolution continue des techniques chirurgicales. En Chirurgie Orthopédique, rien n’est figé. Les certitudes d’avant-hier, enseignées durant nos études, ont vu surgir les doutes d’hier, les interrogations d’aujourd’hui avec les reculs des patients opérés et les améliorations en perspective de demain. Ceci est particulièrement vrai en chirurgie du genou, une des chirurgies les plus pratiquées, avec des enjeux énormes concernant le devenir du genou, l’arthrose éventuelle et le retentissement sur la marche.
- Les prothèses ne cessent d’évoluer, tendant à rapprocher leur cinématique de celle d’un genou normal, pour un meilleur confort final et un résultat fonctionnel similaire à celui d’une prothèse de hanche (c’est à dire une prothèse la plupart du temps « oubliée ». En 2020, on retourne à des concepts moins « massifs » et des solutions chirurgicales encore plus élégantes, comme pour cette nouvelle prothèse permettant de conserver les ligaments croisés.
- La reconstruction du ligament croisé antérieur (LCA) a pour ambition d’éviter justement le recours aux prothèses et avant de prévenir les accidents d’instabilité, les lésions des ménisques et des cartilages
- Initialement, dans les années 60, ce sont les structures externes défaillantes qui ont été renforcées avec des interventions créées pour pallier aux conséquences de la rupture du ligament croisé antérieur, qu’on ne savait pas refaire. En France, Marcel Lemaire, en 1967, a décrit sa ténodèse anti-ressaut restée célèbre. Pourtant, ces interventions ont été abandonnées comme seuls traitements des ruptures du ligament croisé antérieur et s’est développé une chirurgie de remplacement du ligament croisé antérieur avec des améliorations successives.
Néanmoins et malgré ces améliorations, les résultats cliniques n’ont pas toujours été à la hauteur avec une laxité résiduelle restant présente chez 15% des patients opérés uniquement pour une reconstruction du ligament croisé antérieur. On assiste donc à un regain d’intérêt pour les renforts externes associés à une reconstruction intra articulaire du ligament croisé antérieur depuis les années 2010 ; d’autant qu’une équipe belge, en 2013, a mis en évidence la présence inconstante d’une structure fibreuse renforçant la capsule appelée « ligament antérolatéral ». Depuis cette date, de nombreuses techniques ont été proposées : soit limitant le ressaut (ténodèse anti-ressaut), soit reconstruisant le ligament antérolatéral (plastie extra-articulaire).
Divers montages ont été proposés depuis une dizaine d’années en associant la reconstruction intra articulaire du ligament croisé antérieur avec des comportements biomécaniques malheureusement différents. Durant son trajet, cette plastie doit cheminer au mieux sous le ligament latéral externe afin d’éviter des variations excessives de longueur et de reproduire un effet poulie. Partant de ces principes, notre équipe a mis au point une plastie inédite dénommée « Plastie Lilas » répondant au mieux aux divers prérequis trouvés dans la littérature.
Mise au point en 2018, elle requiert une grande habitude de la chirurgie du genou, à la fois arthroscopique et conventionnelle, et un réglage précis commun à toutes les ténodèses externes : serrage de la plastie à 20° de flexion en rotation neutre en évitant toute fixation en rotation externe excessive.
Les avantages espérés sont :
– une réduction significative du pourcentage de ressaut rotatoire résiduel,
– une répartition des contraintes avec une sollicitation moindre de la greffe du ligament croisé antérieur et donc un moindre taux de rupture.
Dans ces conditions, en 2019, le traitement d’une rupture du ligament croisé antérieur doit être individualisé aux caractéristiques de la laxité du patient car un consensus d’experts existe, définissant la place d’une plastie externe en complément d’une reconstruction du ligament croisé antérieur en cas de ressaut rotatoire explosif, sport de pivot-contact, sport professionnel, reprise de ligamentoplastie, hyperlaxité et recurvatum. Cela permet de garantir au mieux le contrôle de la rotation interne ainsi que la protection de la plastie du ligament croisé antérieur en évitant ainsi la récidive de rupture.
En 2020, l’heure est à l’évaluation objective de la cinématique du genou reconstruit et c’est dans ce sens que nous travaillons depuis 2013 (première communication française étudiant le comportement du genou avant et après reconstruction du ligament croisé antérieur).
Télécharger la mise au point 2019 de la reconstruction du LCA au formation pdf
- Les progrès biologiques permettent de palier aux insuffisances du corps humain : c’est le cas lorsque l’on prélève de l’os ou de la moelle osseuse pour l’implanter ou l’injecter après enrichissement là où on en a besoin (comblement d’une perte de substance osseuse ou stimulation d’un cal de fracture par exemple) ou que l’on tente de faire pousser du cartilage…
- L’étude du mouvement à dire l’analyse dynamique d’une articulation, d’un membre ou du corps entier par des capteurs extérieurs (facilités par les progrès technologiques et le Bluetooth !). Ainsi, plateaux de marche et capteurs externes divers permettent désormais dans le cadre de la recherche une analyse cinématique (du mouvement) avant et après traitement. De notre côté, nous travaillons depuis 5 ans en partenariat avec le laboratoire de l’Université technologique de Compiègne sur le comportement dynamique du genou avant et après chirurgie du ligament croisé antérieur (Communication SoFCOT 2013)
Voir la présentation :
- Les progrès des techniques de récupération rapide après chirurgie (RRAC), permettant de récupérer plus vite et surtout de rester moins longtemps en unité d’hospitalisation : c’est mieux pour le patient, mieux pour la Sécu, mais il faudra rester raisonnable à l’avenir car tout ne peut pas se faire en hospitalisation de jour….
Voir la présentation :
- L’arrivée de la E-médecine avec le suivi connecté du patient lors de la récupération après chirurgie (prothèses, reconstruction du ligament croisé antérieur), qui permet à l’opéré d’être acteur de sa rééducation, suivi à distance par une plateforme web, en contact avec infirmières, kinésithérapeutes et médecins rééducateurs. Ceci permet au patient de se situer par rapport à une évolution « standard », de savoir s’il en fait trop ou pas assez, de calmer ses inquiétudes éventuelles et de mesurer son niveau de satisfaction. 2019 voit chez nous l’introduction de la solution move up, testée en Belgique depuis 2 ans, comprenant tablette tactile, logiciel dédié et montre connectée
Télécharger la présentation MoveUP au format pdf
Tous ces progrès ont pu être menés à bien grâce à une étroite collaboration entre chirurgiens et ingénieurs et se poursuivent à une allure effrénée. Les scaphandres de cosmonautes et les caméras de télévision ont désormais leur place dans les blocs opératoires, tandis qu’en amphithéâtre d’anatomie, les chirurgiens se forment à ces nouveautés … pour les appliquer en toute sécurité sur un prochain malade.
Celles-ci permettent de repousser certaines limites mais génèrent de nouvelles questions : validation scientifique, effet de « mode », intérêt par rapport à des techniques plus « rustiques » validées depuis des décennies, hyperspécialisation des praticiens, dépendance vis-à-vis de l’industrie médicale, coût pour la société, risque d’instauration d’une médecine « à deux vitesses », etc…
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